jeudi 27 septembre 2012

Les mille

Je vais passer le cap des mille !
- C'est où le Cap d'Emile ?
Non, le cap des mille lectures. Mille, ça me plaît, ça fait sérieux... Mille et une nuit... La valse à mille temps... Mille-feuille... Mille-fleurs... Mille-pattes.
Mille, c'est imposant ! Mille kilomètres... Mille mètres... Mille euros. C'est déjà un chiffre, ça fait riche, ça en impose. 
Ben tiens, pour en imposer, l'état ne se gêne pas, et là, tu aimerais que ce soit moins que mille !

Moins que mille, c'est pas grand chose, mais c'est pas rien. C'est quoi rien ? Il y a des petits riens qui font des grands débats, donc rien à une valeur, puisque quelques fois, c'est moins que rien. Mais mille, c'est pas moins que rien, c'est plus. Donc, combien vaut rien ? Oh, trois fois rien, je t'assure ! Trois fois rien, c'est plus que rien, mais c'est toujours moins que mille. Que mille quoi ? Mille petits riens ! 

Moi, mille, j'aime bien, c'est rien de le dire. 
- Alors, si c'est rien, ne le dit pas !
Mais si je ne dis rien, je ne peux pas te dire "mille" ! 
- Mille mercis !
- De rien !

Anne Kitline

mercredi 19 septembre 2012

La grande braderie

Samedi 1er septembre, six heures du matin, douche, petit dej et nous voilà fin prêts. Sacs à dos, bouteilles d'eau, pull et direction gare du Nord. Une heure de trajet en TGV et c'est Lille.
Dépaysement total... Je n'ai plus l'impression d'être en France. Cette ville a un charme fou, j'adore ! Huit heures du matin, nous sortons de la gare et en avant les cents kilomètres de la grande braderie de Lille.
- Vous croyez que je vais faire cent bornes, z'êtes pas bien !

L'esplanade de la gare, il fait frais ce matin, ça caille et j'en connais deux qui ne sont pas assez couverts mais le soleil brille de tous ses éclats dans un ciel bleu sans nuages.
- On va se réchauffer quand on sera au soleil, m'annoncent JC et Manue.

Tout proche de cette gare, déjà les exposants ont étalé leurs lots à vendre. Certains directement à terre, d'autres sur des tables.
Comme il est tôt, on peut approcher les stands, allant du bric à brac des greniers, jusqu'aux antiquaires en passant par les brocanteurs.

On touche, on tâte, on inspecte, on réfléchit; j'achète ou je n'achète pas ?
- T'as vu le disque là ? Gainsbourg ! Dit Manue.
-  Oui, c'est combien les disques ? Monsieur !
- Celui là, quinze euros !
- Faut marchander, fils !
- Vas y maman !

Les heures avances et la foule, elle, avance de moins en moins. Midi... approcher des stands devient délicat. Des troupeaux de gens s'agglutinent et on ne voit plus rien.
- On va manger ? Propose JC.
- OK;
- Là, ça vous va ?
- Yes...
- Des moules et des frites pour nous trois ?
- D'accord, des moules, des frites et une bière.
Et le repas arrive. Les frites dans un ravier et les moules dans la gamelle. Le couvercle soulevé ne laisse passer aucune odeur de moule, ça sent bizarre. 
- C'est pas terrible, ou les moules sont trop cuites, ou alors, elles ne sont pas ouvertes. C'est quand même la spécialité, ici ! Non !
- Immangeables ces moules !
- Garçon, elles sont pas cuites vos moules.
Et la gamelle s'en va avec le serveur dans la cuisine. Un quart d'heure plus tard, retour de la gamelle. Y'a un peu plus de moules dedans, le plat est plus chaud, mais les bestioles ne se sont pas ouvertes pour autant.
ça commence à me chauffer les oreilles tout ça. Je me lève, traverse le dit restaurant car nous sommes en terrasse, sur la rue où les gens passent en reluquant nos assiettes.
- Je veux voir le patron !
- C'est moi ! Me dit un grand gars.
- Dîtes, il les a goûtées SES moules votre cuistot ?
- Oui !
- Ah bon, et il les trouve bonne ? C'est de l'arnaque, treize euros pour ça, c'est du vol !
- Je vous offre les bières. Répond il.
- Non, pas d'accord, demi tarif sur les trois repas, voilà ce que je veux !
Et il l'a fait. Réduction nécessaire vu ce qu'on a avalé. 
- On va se prendre une pâtisserie? AILLEURS ! Propose Manue.

Le ventre plein, c'est reparti pour la brocante. le monde se colle de plus en plus devant les étalages, on voit plus rien.
- On va dans la rue de Béthune ! Dit Manue.
Ah,  la rue de Béthune ! Parlons en. Petite rue, pas très longue, bordée de magasins à la mode. Magasins qu'on retrouve dans toutes les villes, rien d'attrayant.
On fait à peine trente mètres, que d'un coup, y a des gens partout. Ça vient de droite, ça vient de gauche, ça arrive d'en face. Y'en a plein, on se sert les uns contre les autres, on piétine, on est maintenus droits dans nos bottes et souliers car il est impossible de tomber tant y'a du monde.
Si par malheur quelqu'un chute, il sera écrasé. La foule, la foule de plus en plus dense qui t'écrase, te pousse, te retient. Tu fais un pas, un minuscule pas et tu recule d'autant. Les gens clostros s'énervent. Y'a de quoi, c'est intenable et ça s'amplifie. De plus en plus de gens et nous voilà coincé avec le sentiment de ne jamais pouvoir sortir de là. La respiration s'accélère, certains paniquent. Quelle galère ! Plus d'une demie heure bloqués dans cette foule qui n'arrive plus à bouger, ni avancer, ni reculer. De loin, je vois la cime des arbres.
- C'est là que je veux aller ! Poussez pas ! Aie mon pied ! Marre, j'en ai marre !
Une grosse brute tente, à coups d'épaules, de traverser cette marée humaine, en vain.
- T'es pressé, t'arrivera pas plus vite que nous, hein ! Dit un jeune devant moi à ce mastodonte.
Sur certains visages, commence à ce lire la peur. Peur de cette masse incontrôlable, de cette marée qui ne se meut plus.
Je veux sortir de là. A cents mètres devant moi, un carrefour. Enfin une issue mais il faut y arriver, c'est pas gagné.

Et d'un coup, cette marée me pousse vers l'avant, libérée, je suis libérée de cette entrave humaine. Mais où sont JC et Manue ? Manue si menue ! Ah, ça y est, je les vois, ils approchent, je ne peux même pas dire à petits pas, c'est pas le cas ! A petits centimètres. Dix minutes plus tard, ils sont enfin près de moi.
Ouf, on est enfin sortis de là.
- On va prendre à droite, il est dix huit heures, par là, y'a moins de monde. Constate Manue. 
Et c'est vrai, les gens sont parsemés et à nouveau, on peut voir les stands. On arrive à un croisement où un énorme tas de moules vides s'entassent pour former une pyramide. 
- Quelle odeur, ça pue !
- ça sera pire demain ! Répond Manue.
Je veux bien la croire si dimanche il fait aussi chaud qu'aujourd'hui, ça va vraiment puer. 
- Pauvres riverains des tas de moules !

Franchement, je suis crevée, plein les pattes. Cents kilomètres, qu'ils disaient à la télé. Rassurez vous, on ne les a pas fait, juste un dixième tout au plus et je suis "flagada". Tu tiens plus la distance, ma vieille ! Ma pensée doit ce voir sur mon visage car JC nous offre une halte, repas bière, avant de reprendre le train pour Paris.

Mes enfants, quelle journée ! Plein les yeux et plein les bottes, le porte monnaies raplapla, les sacs remplis de disques "vinyl", enfin, chargés comme des mules, nous rentrons au bercail.
Maintenant, douche et au lit. Bonne nuit les petits ! 

Anne Kitline