Ce
matin le ciel est gris, mon réveil vient de couiner à 6 heures du
matin. Faut se lever !
Hier,
j'ai lu une annonce pour le boulot et après un bref appel
téléphonique, je dois m'y présenter. J'ai du pot !
Cette
annonce disait : Société Fiesta, cherche collaborateur homme
ou femme un technicien usinage
Vous êtes diplômé d’un *BAC professionnel dans le domaine
de la productique /
usinage.Contactez...etc…
C'est
pour moi, ça.
Arrivé
à 9 heures, je suis attendu par le Chef du Personnel ce qui ne me
laisse pas le temps de me mettre dans la peau du postulateur
convaincu et convainquant.
Après
un entretien sympathique qui dure une bonne heure, je suis accompagné
d'un membre de l'équipe que je dois intégrer et qui me fait visiter
l'usine et m'indique mon poste.
Ça
sent le plastique chaud à plein nez dans
ce grand hangar, ils usinent
des farces et attrapes. Mon voisin de droite a un sourire goguenard
lorsque je m'installe sur le siège devant la machine. Il n'a pas
l'air méchant, juste un peu bêta et ne semble pas avoir la lumière
à tous les étages.
-
Bon, voilà, tu travailleras ici, et ton boulot consiste à faire des
crottes ! M'indique mon futur chef.
-
Pardon ?
-
Oui, tu feras des crottes et qu'elles soient bien réussies !
-
Des crottes comment ?
-
Ben des merdes quoi !
-
Je dois faire des merdes ?
-
C'est ça ! Et il faut qu'elles soient ressemblantes, sinon…
-
Sinon, je t'en ferai une vrai. Ça je le pense mais ne le dis pas.
C'est mon premier jour et je suis au chomdu depuis presque un an,
alors j'y vais, je vais lui en faire des crottes, moi !
Bon,
ce n'est pas compliqué. Tu insères la pâte plastique dans un
moule, tu fais fonctionner la presse et ta crotte sort toute chaude
sur un tapis déroulant. Toutes les crottes à la queue leu-leu. Je
te jure tu y croirais, ça à l'air si ressemblant quand elles sont
réussies, mais moi, j'en rate la moitié.
Évidemment,
le contrôleur Chef est dans les parages et vient surveiller ma
production. Ben, il est furax. Il n’apprécie pas la couleur et
encore moins la forme. J'ai foiré.
-
C'est marron une merde ! Marron foncé !
-
Pas toujours, ça dépend de ce qu'on mange, ça peut être jaune ou
vert…
-
Marron, je te dis, c'est marron qu'il faut les faire. Et puis la
forme, ça ne colle pas !
-
Pourtant, la merde, ça colle…
-
Te fous pas de moi, hein !
-
Non, Monsieur, mais…
-
Y'a pas de mais ! Je reviens dans une heure pour voir ce que tu
auras fait !
Il
leur faut la couleur, la forme, genre belle merde à marcher dedans
et pas encore écrasée. Bien brillante, à faire croire à une
vraie. C'est une farce. Tu crois que des gens achètent des merdes
pour s'amuser ? Eh oui, ça existe, c'est pour faire des
blagues. C'est pas cool comme achat.
-
Bonjour Monsieur, je voudrais une merde, bien jolie, vous avez ça ?
-
Celle-là vous conviendrait ? J'en ai des plus petites et aussi
des plus grosses très ressemblantes !
-
Avec un paquet cadeau, s'il vous plaît !
Merde
alors ! Si à moi on me fait un cadeau comme ça, celui qui me
l'offre, il passe par la fenêtre.
-
T'as pas le sens de l'humour ! Me dit mon collègue de droite.
-
Tu parles d'humour, manque plus que l'odeur et on y est !
Tu
imagines les gens qui vont me demander :
-
Tu
fais quoi dans la vie ?
-
Je fais des merdes, toute la journée, des dizaines de merdes.
-
Ah bon, t'es malade ? C'est
la tourista ?
Toutes
les personnes qui le matin pour se dire bonjour demandent :
-
Ça va ?
Cette
question, avant de devenir banale, servait à savoir si tu avais bien
cagué. Ça va, t'as fait un bon
gros caca ce matin ?
Raccourci d'aujourd'hui : ça va ? Eh bien moi, ça va
tellement bien mes cacas, que j'en fais des centaines par jour, tous
plus beaux les uns que les autres, mais ça me déprime de voir tous
ces tas de merdes alignés avancer sur la chaîne puis tomber dans
une grande caisse en plastique vert comme les poubelles et qui vont
être acheminés pour l'emballage.
Parce
qu'il y a des emballeuses de merde, oui, ça existe !
Le
type qui a eu l'idée de fabriquer des crottes - pour amuser
qui ? - je me le demande - ne doit pas être très net. C'est
comme si tu créais du dégueulis pour en faire des farces, faut être
un peu givré.
L'autre
jour, j'ai vu une gamine avec une glace au chocolat dans un cornet
qu'elle suçait avec délectation, j'ai failli la lui faire jeter
tant elle ressemblait à une de mes crottes. Ça commence à
m'obséder cette fabrication. Faut que je me trouve un autre job. Je
comprends maintenant le sourire du collègue qui lui, fabrique des
verres verseurs.
Merde,
j'ai vraiment pas de pot !