mercredi 25 avril 2012

Les courses


Un demi siècle, presque un demi siècle que nous sommes mariés. Des mots doux, ça fait bien longtemps qu’on ne s’en envoie plus, à part la liste des courses, plus de tendres billets.
Courses pour mardi :
Sopalin
Craquottes
Vin blanc
Sucre en poudre
Huile de tournesol
Lait
Fromage de chèvre
Haricots verts
Boite de mouchoirs

Quelle imagination ! J’aurais aimé qu’il m’écrive :
Mon cher Sopalin, ma petite Craquotte, mon doux vin blanc. Ou bien encore :
Mon joli petit sucre en poudre, ma douceur, mon huile essentielle de tournesol qui me fait tourner les sens ! Mon petit lait adoré ! Mon chèvre parfumé, mon tendre haricot, mon mouchoir en soie.

Terminé tout ces compliments, terminée, la poésie ! Maintenant, j’ai juste le droit à une liste froide, « de qu’est ce qu’on va bouffer ». Et quand j’aurai avalé tout ça, il faudra retourner aux courses, refaire une liste, encore une liste « de qu’est ce qu’on va bouffer ». 

Eh bien, moi, je m’en fiche ! Il m’écrit, à moi, rien qu’à moi. Cette liste, elle est pour nous deux, à partager entre nous. Vous n’en n’aurez pas, lalala !

Ah, je ne vous ai pas dit, j’ai un mari adorable. Ne vous moquez pas, je dis bien adorable ! Justement, lorsque nous faisons les courses ensemble, il est capable de m’offrir des fleurs du supermarché.
-          Tiens, ma chérie, c’est pour toi, elles ne sont pas chères !
J’ai même eu droit à un magnifique bouquet de persil pour ma fête, une belle botte de poireaux pour la Saint Valentin, de très jolies blettes pour mon anniversaire. Vous voyez comme il m’aime, comme il pense à moi. Quand je vous dis qu’il est adorable, je ne mens pas, vous pouvez le constatez par vous-même !

Anne Kitline

samedi 14 avril 2012

Mortibus

« Depuis qu’on l’a assassiné, sa vie a changé »  Si, si ! J’ai entendu cette phrase ce midi sur RTL pour nommer la radio en question.
Bien sûr que ça a changé sa vie. Et comment…  que ça l’a changé ! Ça l’a même changé définitivement  puisqu’il est mort. Mortibus ! Zigouillé !
En plus, il a changé d’état, c’est un manque de savoir-vivre !
Mais non, d’état… pas de pays. T’as déjà vu un macchabée déménager ?
D’état de vivant à mort. D’état civil, aussi. Des tas d’os à venir. C’est macabre tout ça !

Bon, je fais l’andouille. Je sais que le journaliste parlait de celui ou celle qui reste. Et dans ce cas, aussi, ça change la vie, la mort. La mort de l’autre bien sûr. Parce que la sienne propre, on sait pas, hein !
La vie… la mort… c‘est un tout.
Oui, je sais ! Pour certains, c’est tabou. Faut pas en parler, des fois que ça précipiterait les choses.

Bon, revenons au pauvre assassiné dont la vie à changé. S’il entend ça, de l’autre côté, il doit un peu rigoler. Tu trouves pas ? Il doit même nous prendre pour des ignares.
Les terriens d’en bas, c'est-à-dire nous les vivants, on imagine, on suppute, on avance des théories, mais que dalle ! On ne sait rien, rien de rien ! Sur quoi ? Eh bien sur après, bien sûr. Sûr après la mort ou le changement de vie comme disait notre fameux journaliste.

Moi, j’aime à penser que c’est bien, que c’est le pied. Enfin, quand je dis le pied, vue la morphologie humaine, les pieds sont en bas et le Ciel en haut. Et comme nous raconte l’église, on va au ciel après la mort, alors, ça peut pas être le pied. 

Oui, moi, je veux croire que c’est mieux là-haut qu’en bas. Fini les « emmerdes », la paix, on a la paix, les vacances à mort. Je peux pas dire à vie, là, ça collerai pas. Donc, à mort ! Et puis, au bout d’un temps certain, on s’ennuie. Et j’en suis convaincue ! Alors, on revient dans le bazar terrien. Eh oui, on est « maso », on y retourne ? La première fois, ça nous suffisait pas, on veut connaître la suite.

Posté devant Dieu, Saint Pierre, ou je ne sais qui, on choisit. On choisit quoi ? Sa vie future !
-          Je prends celle là !
Et c’est reparti pour un tour.
De trépassé, tu deviens présent. N’outrepasse pas tes possibilités à présent ! Il n’y a pas d’éther ni thé.
Du n’importe quoi, c’est du n’importe quoi… !

Anne Kitline

mardi 3 avril 2012

Un crime sous X

La zapette en main, j’allume la télé juste au moment des infos et le journaliste annonce : « un crime horrible a été commis dans notre ville ».
Un crime horrible ! Vous avez déjà vu un crime sympathique, un crime joli, un adorable crime ?
Et celle là : Il est mort de sa belle mort ! Moi, personnellement, je ne sais pas si c’est beau la mort. Expressions idiotes en soi !

Si un crime n’était pas horrible, personne n’en parlerait, il n’intéresserait pas les gens. Il leur faut du sang, plein de sang. Le sang attire le regard. N’allez pas plus loin que la vue d’un accident sur la route, on veut voir, sans être témoin surtout.
-          Ah, le pauvre, il est mort, et pas de sa belle mort !
-          Mais non, il n’est QUE blessé !
-          Ah bon…
Le regret se fait sentir dans la voix, « QUE blessé » on aurait envie d’ajouter : dommage !

-          Il l’a tué de 55 coups de couteau !
L’info passe sur les ondes, on tend l’oreille, on veut en savoir plus, toujours plus.
L’inconnu a été enterré sous X. Ah bon ! Sous X !
Tu entres dans le cimetière avec l’inconnu dans sa bière, tu cherches la tombe de X, à droite, à gauche. Euréka, elle est là ! Le fossoyeur soulève la dalle, retire le cercueil de X, dépose dans la fosse l’inconnu, remet X à sa place et vérifie que l’inconnu est bien sous X, et il referme le tout.

Mais voilà, quelque fois, il n’y a pas de X dans le cimetière. Problème, comment faire pour enterrer un inconnu sous X, sous qui on va le mettre ? Que faire du macchabé, où le déposer ?  On a beau chercher, personne ne sait.
-          Peut être que dans l’autre cimetière, y’a un X ?
-          OK, va voir !

Le pauvre fossoyeur revient bredouille, pas d’X à l’horizon et un mort sur les bras qu’il faut mettre sous terre. Après s’être creusé la tête, l’un propose :
-          On dit rien à personne, et on creuse là ! (Chacun creuse ce qu’il peut !)
Et voilà notre cadavre à trois pieds sous terre. Bon débarras !
-          Si on a un autre mec qu’on connait pas, on le mettra là, et on dira que celui qu’on vient d’y d’enterrer, c’est X !
-          Affaire conclue ! On va boire un coup, les gars !

Au fait, si ce pauvre gars, enterré sous X est aussi né sous X, ça le poursuit. Pour peu qu’il ait fait, ou touné dans des films X, alors, là, c’est le comble !


Anne Kitline