samedi 31 décembre 2011

Le pantalon - F


Ça y est, ça me reprend, j’ai la fièvre. J’ai la fièvre acheteuse, le porte-monnaie qui me démange, l’argent qui me brûle. Vite ! Vite ! Un magasin ! C’est urgent, n’importe lequel !
Ding… Dong, la sonnette.
-          Je peux vous aider, Madame ? Me demande la vendeuse.
Non tu ne peux pas m’aider. Je sais même pas ce que je veux, alors, lâche moi !
Voilà ce que je pense, mais comme je suis une gentille fille bien élevée, je ne lui ai pas dit. Ma maman serait fière de moi, na… na… na !
Et puis, cette boutique ne me plaît pas. Ah, celle d’à côté, là, je sens que oui, je vais entrer. Je veux acheter… je veux acheter… je veux acheter, c’est vital ! Tiens, ce pantalon, ça m’irait bien.
-          Quelle taille, Madame ?
-          Heu… 42… 48… ? Celui là, oui !
Cabine d’essayage, rideau tiré, enlève le pantalon.
-          Zut, ça passe pas les chaussures !
Je me baisse pour les délasser, culotte et cuisses à l’air, et « paf », le rideau qui tombe. Je reste là, bloquée, en position habillage-déshabillage, le regard stupide et ces andouilles qui rigolent à me regarder.
-          riez pas… c’est pas mon jour !
Dans la cabine, je recule façon pingouin, coincée par mon pantalon en bas des pieds. Je ne sais plus si je dois le remonter, l’enlever, m’occuper du rideau. Bref, je suis paumée.

Ma fièvre est guérie. J’ai acheté ce joli pantalon, et je l’ai lavé. Erreur ! J’avais pris du 44 et au sortir de la machine, je me retrouve avec du 8 ans, et le pire, c’est que ça a déteint sur tout le linge. T-shirts, slips, chaussettes, tout est mauve bizarre, douteux. Mon mari ne va jamais vouloir porter ces trucs, quoique… c’est assorti !
-          Mais si, mon chéri, regarde comme tu vas être beau !
-          Ne te fiche pas de moi, vire tout ça ou donne le à… n’importe qui ! Moi, je ne veux plus voir ces guenilles ! La prochaine fois, tu fais gaffe, tu mélanges pas les couleurs, autrement, c’est moi qui vais t’en filer des couleurs !
Houlàlà, il est colère !  Vraiment colère ! Gare tes abatis, ma vieille !


Anne Kitline

jeudi 29 décembre 2011

La foule - F


Paris, neuf heures, temps gris et froid, je suis en vacances. En route vers le métro, direction gare de Lyon. Ligne quatorze, bondée. Je ne suis pas seule, c’est le moins que l’on puisse dire, il y a foule ! J’avais oublié, ce sont les vacances scolaires, j’ai bien choisi le moment, moi ! Gare de Lyon, c’est pire encore. J’ai même l’impression que certains vont aller sur la Lune, ils sont habillés en « cosmonaute », avec skis, snowboards sur l’épaule.
-       Pardon, excusez-moi, pardon monsieur, poussez vous s’il vous plaît. Je voudrais passer, pardon je ne vous ai pas fait mal ? Laissez moi passer, je vais rater mon train !
Et ainsi de suite pour accéder au panneau de départ des trains. Tout Paris s’est donné rendez-vous, j’ te jure, je sais plus où passer. Plein de pieds, de skis, de valises, de mômes de gens. J’aime pas la foule. Ah oui, franchement, j’ai bien choisi mon jour.

Mon train est annoncé, j’ai même pas besoin de regarder le panneau, y a qu’à suivre les gens, ils y vont tous. TGV voiture huit, porte bagage ultra encombré, on passe pas à deux. Place trente deux. Pas de pot, c’est le vis à vis à quatre. Pas de place pour mettre les jambes, les étendre. Oh la poisse ! En plus je suis côté fenêtre, pour aller pisser ou boire un coup, faut déranger l’autre passager. On fera avec ! Bon, ma valise est casée, mon sac à dos à mes pieds, téléphone dans la poche, bouquin sorti, tout est prêt pour cinq heures de voyage.

Arrivée Saint Gervais, terminus, tout le monde descend. Quand je dis tout le monde, c’est au moins cinq cents personnes. C’est pas  vrai, ils vont tous où je vais !
Mon car est déjà là. C’est bien organisé, pas d’attente. En route vers les sommets enneigés ! Les Contamines, je suis arrivée. Repérage de ma location, remise des clés, déballage des affaires. Pas le temps de traîner, achat du forfait, location du matos, achat de la bouffe, retour à l’appart. Tout est OK pour demain matin, j’ai vu où était la navette, la suite c’est pour demain !

Huit heurs de mat, je suis fin prête, toute harnachée, emmitouflée, j’ai une démarche de ? Ben je ne sais pas de quoi, mais les autres sont pas mieux que moi. Bienvenue au club !
La navette se pointe, on va pas tous rentrer la dedans ? Mais si, Paris heures de pointe, kif, kif… La navette dépose les clients aux œufs. Quatre par œuf, bonjour M’sieurs Dames ! Ils sont aussi blancs que moi, des Parigots sûrement.

Enfin, je fais attention au paysage, magnifique, blanc, propre, silencieux. Les sapins défilent sous moi, je m’imprègne de toutes ses sensations. Là, je renais.
Stop, vite descendre, on y est. C’est parti pour la glisse. Super, quel régal, mais faut que je me dérouille avant de dérouiller suite à un accident. Quelques mouvements d’assouplissement et en avant… tout schuss !
Journée passionnante, éreintante, plein de bonheur et retour à mon nid douiller, bonne douche, faire sécher les fringues et le matos, plateau repas devant la télé et dodo. A demain ! Une semaine comme ça, c’est génial !

Samedi vingt et un, retour au bercail, ça c’est moins drôle. Re-car pour la descente, re-TGV pour Paris, re-foule. Fini, la blancheur de la neige ! Fini, le calme réparateur ! Fini, les vacances.
Gare de Lyon, Paris, tu ne m’as pas manquée... mais bon, faut recommencer métro, boulot, dodo !

Savez vous qu’en rentrant, il m’a pris la géniale idée d’aller à Saint Lazare, faire les magasins. Bien mauvaise idée, moi qui n’aime pas la foule, je suis servie. Faut réfléchir ma vieille !
On est plus qu’au coude à coude, je dirais même qu’on est au corps à corps. On piétine, impossible d’avancer. Je renonce, j’ai eu ma dose entre le départ de la gare de Lyon, le train, les pistes, bref, overdose de gens. Mais, je sais que je repartirai aux prochains congés. Je suis maso… moi !

 

samedi 24 décembre 2011

L’ordi et ses satellites


« Pour revenir au menu principal, appuyer sur la touche : répéter ». Voila les douces paroles que me prodigue mon téléphone depuis 5 ans lorsqu’il se remet en route le matin, vers six heures trente. Souvent, je suis réveillée, mais lorsque je dors, je le maudit. Si encore il me disait :
-    -   Bonjour Christine, une belle journée s’annonce pour toi, pleine de promesses.
Non, il pense juste à lui et à son menu principal. Moi, son menu, que m’importe. D’abord, il mange quoi, ce truc ? Ah oui, du courant, ça c’est sûr.

Après cette entrée en matière, je vous dois des explications. Mes fils, dans leur gentillesse, m’ont offert un ordinateur, tout plat, tout noir. J’ai soixante quinze ans et l’informatique, très peu pour moi. Mais ce n’est pas tout, ils ont ajoutés un abonnement à internet qui se fait à l’aide d’une « box ».
Bien sûr, ils m’ont fait tous les branchements et toutes les installations, moi, je n’aurais pas su. Même la télé fonctionne grâce à ces choses, c’est magique !

Maintenant, j’ai des fils partout, plein de fils et croyez moi si vous voulez, mais je pense que ces fils électriques copulent. Si, si, j’ai bien dit « copulent ». Au départ, mes enfants ont fait attention de ne rien mélanger, mais moi, quand je les regarde, ces fils, ils sont tous entortillés les uns aux autres, ils copulent, c’est une orgie !
Avez-vous vu que les FILS électriques et mes FILS, ont la même orthographe, c’est ça le français, mais ne confondez pas.

Donc, tous les soirs vers onze heures trente, la « box » s’éteint et tout le toutim avec, c'est-à-dire : ordinateur, télévision, décodeur, téléphone. Ce fameux téléphone qui me réveille. Et tout se remet en marche tôt le matin.
La « box » ouvre un œil, rouge au départ, puis orange et enfin vert. Ça, ça veut dire que elle, elle est bien réveillée. A son tour, mon cher téléphone y va de son spitch et après, je peux allumer la télé et la regarder au lit.
Mais il y a des jours où les choses n’ont pas envie de fonctionner correctement, la télé par exemple. Si, si… Elle s’allume, mais rien, pas d’image, pas de son, rien de rien.
-       Allo, mon fils, je n’ai plus de télé, qu’est ce que je fais ?
-       Comment ça, tu n’as plus de télé ?, Ta « box est allumée ?
-       Oui, mais ça clignote de partout !
-       Relance-la !
-       C’est par la fenêtre que je vais la lancer ! Et cette « box », je la boxerai volontiers !
-       Alors, maintenant, ça marche ?
-       Oui, merci mon fils.
Une autre fois, ce sera le décodeur. Il  faut encore faire des manipulations. Ce n’est plus de mon âge, tout ça. Mais le pire, c’est l’ordinateur.

Donc, cette belle chose est posée sur mon bureau et enfin, j’ose l’ouvrir. Je sais, mes fils m’ont montré un peu comment faire, mais j’ai oublié. Et là, face à ce truc tout noir, qu’est-ce que je dois faire ?
Attentivement, je regarde tous les boutons, ah oui, le bouton central, ça c’est pour démarrer. Mon doigt s’approche timidement de ce petit rond et j’appuie. Il se passe quelque chose et tout de suite mon ordinateur se met à ronronner comme un chat. C’est bon signe… Ou pas… J’attends, j’ai gagné, Windows, il y a écrit Windows et mon ordi me joue quelques notes de musique. Avec les enfants, quand ils avaient mis en route j’avais entendu ça.
Sur l’écran, fond bleu, jolies petites icône en couleur. C’est bien, mais je fais quoi maintenant ?
Ma petite voix me dit de prendre la souris et de cliquer sur une icône. Clic, rien, re-clic, rien, re-re-clic, encore rien. Comment ils faisaient les gosses ? Vraiment, je ne suis pas douée.
Ne panique pas ma belle, tu vas y arriver. Allez, recommence. Mon fils au téléphone me dit : «  double clic, maman ».
Et le déclic se fait dans ma tête, j’avais oublié cet important –double clic- J’ai enfin ouvert quelque chose, mais quoi ? Je ne suis pas plus avancée.
Et soudain, l’ordi m’annonce : «  la base virale VPS a été mise à jour ». Mon ordi a déjà des virus ? Pauvre de nous ! Et en plus, il me dit qu’il les met à jour. Mais je n’ai pas besoin de virus et surtout pas de mise à jour de ces virus. Mais où va-t-on ?
Ah mes enfants, quel cadeau vous m’avez fait là !
-       C’est bon pour tes neurones. M’ont-ils dit.
Tu parles à soixante quinze ans, mes neurones, je m’en fiche. Pas vrai ! Bon, je ne vais pas casser les pieds à mes enfants, je dois trouver quelqu’un qui m’aide à comprendre comment utiliser cette machine.

Et j’ai déniché un petit jeune qui m’explique ça à toute vitesse.
-       Oh, oh, ralentit, garçon, je n’ai pas ton âge et ton agilité !
Il reprend avec patience ces explications et me fait faire les manipulations. Ah, je m’en sors mieux, déjà.
-       Jeune homme, moi ce que je veux, c’est surfer sur le net (comme disent mes petits fils), écrire des textes et faire mes comptes, voilà, c’est tout.
Et ce jeune Sébastien me montre tout ça. Brave garçon ! J’ai moins peur que cette machine ne me fasse des choses indésirables.

-       Allo Sébastien, mon ordi m’écrit qu’il n’a pas de nourriture !
-       Hein ? Pas de nourriture, ça veut dire quoi ? Qu’est-ce qu’il y a écrit ?
-       C’est en anglais, il y a écrit : not found !
-       Ah, not found, ce n’est pas not food, ce n’est pas pareil, food et found. Il dit qu’il ne trouve pas.
-       Tu sais, l’anglais et moi, on n’est pas copain et je n’aime pas quand il écrit dans cette langue, j’ai l’impression qu’il se fiche de moi.

Faire ses premiers pas avec la technologie quand physiquement, déjà, on marche à petits pas, que les doigts n’ont plus leur souplesse et que le cerveau c’est pire encore, je trouve que c’est un exploit et j’aime les exploits. Je ne suis pas allée sur la lune, mais c’est tout comme. Mes enfants disaient :
-       Tu vas voir, avec ça, toi qui aime voyager, tu n’auras même plus besoin de bouger. Tu vas découvrir le monde comme tu ne l’as jamais vu, parler à des gens à l’autre bout de la terre !
-       C’est bien tout ça, mais moi, j’aime voyager pour de vrai, rencontrer des gens, me lier d‘amitié avec eux. Regarder un écran, seule dans mon coin, quelle aventure ! Ce n’est pas ça que je veux !

Je dois vous avouer que je prends du plaisir à utiliser cet ordi, même qu’un jour, je me suis endormie, le doigt sur une touche qui s’est mise à couiner comme si elle avait mal et ça m’a réveillée en sursaut. Faut dire qu’il a des réactions inattendues cet ordinateur.

Je continue de m’équiper et pour cela, j’ai acheté une imprimante couleur. Je branche la prise. Un nouveau fil, chic, on va pouvoir s’entortiller à nouveau, pensent les anciens branchements.
Passons. Dans l’ordi, je mets la prise USB. Ça veut dire quoi USB ? Moi, je connaissais UBS, Union des Banques Suisses, c’est dans le désordre. Pour la Suisse, le désordre, ça la fout mal !
Bon, j’ai tout branché, et quand je veux imprimer, rien ! Ça  ne sort pas, même pas un soubresaut de l’imprimante. Kèsaco ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, hein, je vous le demande !
J’ai découvert que chaque fois que je mets un « périphérique », mon langage informatique a évolué, n’est-ce pas ! Donc, j’installe un périphérique, et bien, l’ordi, lui, il ne comprend pas. Les jeunes quand ils parlent d’eux, disent qu’ils sont branchés, mais pas l’ordi, lui, il n’est pas branché ou alors il fait semblant que non, juste pour nous embêter.

Je dois vous dire que j’ai pris des cours pendant un mois pour assimiler tout ce charabia informatique et dans ces cours, j’ai vu pire que moi, c’est rassurant. Le prof dit un jour à un stagiaire qui paniquait car il ne trouvait plus à l’écran ce qu’il avait fait :
-       Fermez la fenêtre !
Et le stagiaire d’ébaucher le mouvement de se lever pour aller fermer la fenêtre, qui en plus, n’était pas ouverte. Une autre fois, le prof explique à une dame plus jeune que moi, qui ne savais pas utiliser la souris :
-       Prenez votre souris et promenez vous sur l’écran !
-       Monsieur, il n’y a pas de souris transparente ?
-       Non, Madame, pourquoi faire ?
-       Et bien, quand je promène la souris sur l’écran, je ne vois plus ce qu’il y a dessous.
Et, effectivement, elle promenait sa souris directement sur l’écran. Il faut toujours faire attention aux mots que l’on dit et comment ils sont interprétés. Encore une autre fois,
-       Monsieur, je ne vois plus la petite flèche sur l’écran !
-       Soulevez votre souris ! Il n’a pas eu le temps d’en dire plus, la dame à levé la souris au moins à cinquante centimètres au dessus du bureau.
Ces cours m’ont bien amusé, j’y ai vu des gens plus apeurés que moi et ça m’a rassuré et du coup, j’ai fait des progrès. Aujourd’hui, je surfe à tout va, pourvu que la vague ne m’emporte pas. 

Kris

Zakoufène - F


La forêt, promenade dans les bois, les odeurs qui affluent aux narines, les oiseaux qui gazouillent. On se promène avec des amis et tout à coup, Agnès dit :
-       Ecoutez !
-        On n’entend rien !
-       Justement, écoutez le silence. Insiste Agnès.
Oui, oui,  le silence s’écoute mais ne s’entend pas, sauf en musique. Mais moi, j’entends quelque chose, des sifflements, des bourdonnements… je leur dis que le silence n’existe pas dans ma tête.
-       Tu devrais aller voir un toubib. Me conseille Philippe. Ce n’est pas normal.

-       Bonjour Docteur, voilà, j’ai dans les oreilles, et quelque soit le moment et encore plus la nuit quand tout dort, j’ai des sifflements, des bourdonnements, enfin, toujours du bruit et ça peut être gênant.
Après auscultation, verdict.
-       Vous avez des « zakoufènes »
-       Des quoi ?
-       Des zakoufènes, ce n’est pas grave et ça ne se soigne pas. Il faut faire avec.

Quel bon plan, sympa le truc. En plus, il m’a dit ça comme il m’aurait dit : « vous avez DES vers, ou DES démangeaisons, ou DES poux, non, juste DES zakougènes. Ils sont combien là dedans ? Ils sont DES !

De retour à la maison, vite le dictionnaire. V, W, X, Y, Z, tourne les pages, za, Zaïre, zaïrois, zakouski… il n’y a pas zakoufènes, ça doit pas s’écrire comme ça. Zac ? Non, Zone d’aménagement Concerté. Rien d’autre. Alors comment on écrit cette « maladie » ? Ah, peut être comme acoustique qui vient du grec. Waouh ! J’ai un  truc qui vient de loin, de très loin ! Voyons, ah, j’ai trouvé ACOUPHENE. Sensation auditive perçu en l’absence de tout bruit extérieur.
-       Jeanne d’Arc, je suis Jeanne d’Arc, j’entends des choses, mais ça ne m’a jamais dit de bouter les English hors de France !

En regardant les pages de mon « dico », je constate que souvent le nom des maladie est grec et le remède est latin. Les grecs nous filent les microbes et nous on les soigne, on est fortiches, hein ! Bravo les latins ! J’ai faillit taper « lapins ». Oui, ça peut le faire aussi, bravo les lapins !

Anne Kitline