« Les gars, préparez vous, on est lundi et il est bientôt 8h30 ! Allez, 1 euro, à vot’ bon cœur M’sieurs dames ! »
« Oui, ça y est, je vois un client qui vient vers moi avec son jeton ! »
« Ah, moi, j’ai une femme et son gamin. Elle va asseoir le petit sur le siège, à « caddie fourchon ». Waouh, ça pue, il a cagué dans son froc, le gosse ! Pour un début de semaine, ça commence bien ! »
« Te plains pas, t’as vu celui qui me met le jeton, les mains cradent qu’il a, il pourrait se laver, non mais des fois ! »
« Eh bien, moi, les gars, j’ai décidé de ne pas bouger de là ! »
« Comment tu vas faire ? »
« Regarde, elle met sa pièce pour m’attraper et rien ne se passe. T’as vu comme elle s’énerve ! Elle me tire, elle me pousse, rien, je ne bouge pas. C’est marrant, je viens de lui fiche sa journée en l’air ! »
« T’es sacrément modeste, la journée, rien que ça ! Elle s’en remettra, va ! »
« Oh, les copains, regardez ce caddie, là, à droite, il est déjà bourré, à même pas neuf heures du mat, il marche en crabe. Et l’autre, là-bas, il crie sa mère, écoutez comme il couine ! Je crois qu’il est fini ! »
« Ben oui, c’est le gamin, là, qui l’a complètement crevé, il l’a fait tourné dans tous les sens, résultat, il est foutu ! »
« Allez, salut la compagnie, je roule vers le supermarché, moi. Quand je dis je roule, elle, elle court, et vite ! Elle est pressée, ma nana ! » Pas de quartier pour le caddie.
Dis-moi ce que tu achètes et je te dirai qui tu es. C’est bien vrai. A peine entrée dans le magasin, elle fonce, aucuns regards ni à droite, ni à gauche. Direct les produits de toilette, rouge à lèvres, maquillage. Très féminine, la dame !
Crème épilatoire. Serait-elle poilue ? Très poilues, elle en prend deux tubes. Shampoing, gel douche, dentifrice, elle fait le plein, ou quoi ?
« Arrête, petite madame, ça va te coûter une fortune, tout ça ! Tiens, elle m’a planté là, dans l’allée centrale à côté des couches culotte. Où es-tu passée ? Je ne te vois plus. Non, c’est pas elle, là. Reviens, j’aime pas être abandonné dans le magasin ! Ah, ça y est, elle m’a retrouvé ! Maintenant, on fonce vers la caisse.
« Allez, paye et on s’en va ! Je t’avais dit une fortune, tu vois, j’avais raison. C’est cher hein, toutes ces crèmes ! »
Sortie du magasin, direction la voiture, ouverture du coffre, elle me vide, et court me ranger.
« C’est pas le moment que je préfère, moi ! »
« Pourquoi ? »
« T’as vu comment on nous imbrique ? Ce n’est pas toujours plaisant de rentrer, quelque fois forcé, dans le copain, devant, mais c’est pire encore, quand celui qui arrive derrière toi s’incruste dans ton arrière en toute brutalité ! Bande de sadique ! Remarque, celui qui nous a conçus n’était pas si idiot que ça, on est mâle et femelle. Ben oui, regarde ! Proéminent partie face et creux partie cul. Qui qu’a dit « particule » ?
« Ha, ha, ha, qui caddie, c’est rigolo ! »
« Maintenant, constate la chaîne qu’on fait, au moins vingt caddies, les uns dans les autres. Mes aïeux, j’aurais jamais cru ça possible. »
« Franchement, t’es bête, non, on ne se reproduit pas, mais, tu vois, on nous parque, ici, au moins trente à quarante fois par jour, alors, le week-end, on respire. Ils nous on rangé le samedi soir, on est tranquille pour un jour complet, plus de mouvements, ouf, ça soulage ! »
« Quand je pense qu’on a des cousins qui toute la journée jouent au golf, plein air, pelouses vertes ! »
« Comment ça, qui jouent au golf ? »
« Ben oui, les caddies, ceux qui portent les clubs ! »
« Qu’est-ce qu’il raconte celui-là, il nous parle de club, t’as envie de partir en vacances ? Toi, t’es vraiment un cas, dit ! »
Anne Kitline
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire