lundi 16 janvier 2012

Boire, déboires - F

-    Eh, la descente, où qu’ t’es ?
La descente, c’est moi. Mes potes i’ m’appellent comme ça. Parait qu’ j’ai une bonne descente.
-    Les gars, z’avez vu, cul sec ! C’est ma tournée !
Et hop, un p’tit dernier, et j’ rentre chez moi.
Le trottoir i’ fait des vagues, les murs, i’m’  rent’ dedans.
-    Faites attention, ça fait mal !
C’est râpeux les murs, ça griffe. M’en veulent, les vaches. Mort aux vaches ! Ah non, c’est pas les mêmes, vaches ! Oh, purée, on s’est tamponné.
-    S’cuzez, m’sieur, j’vous avais pas vu ! Même pas poli, c’ui la, i’ répond pas. Pauv’ type, va !
Mais que chuis bête, c’est un poteau. J’trouvais qu’c’était dur. M’a fait un bleu, l’salaud !

J’me suis gouré d’chemin, y’a des arbres, y’a un sapin, là. T’as vu, il a les boules. Ha ! ha ! ha ! Un sapin qu’a les boules. Ben oui, c’est parce qu’ils l’ont enguirlandé, quoi ! Comme moi avec Mémère. Un jour c’est Mémère qui sentira l’sapin, j’te l’dis !
-    Ah, enfin des pissotières, d’puis l’temps qu’ j’ai envie d’pisser !
-    C’est dégoûtant d’uriner dans la poubelle, quand même, quelle éducation !
-    Qu’est-ce t’as dit, toi, l’vieux ?
-    Que c’est vraiment dégoûtant ce que vous faites là, monsieur !
-    Mais j’ pisse, tu vois pas ?
-    Pas dans une poubelle !
-    C’est pas une poubelle, j’ te dis qu’c’est des chiottes ! Allez, casse-toi !

Avec tout ça, j’me suis pissé su’l’ froc, j’ai l’cul trempé. Qu’est-ce qu’é va dire la patronne. Va encore me chatouiller les moustaches.

J’ai soif, j’ai l’gosier tout sec, j’boirais bien un p’tit coup, moi. Un p’tit dernier. Y’a pas un bistrot dans l’coin ? Ah si, d’l’aut’ côté d’la rue.
Z’ont mis du verglas, pas vrai, ça glisse. Et voilà, j’me suis cassé la figure ! R’garde moi ça, j’arrive plus à m’rel’ver. Chuis pas gros pourtant ! Pi’ cette rue, elle penche. Elle va une fois à droite, une fois à gauche. J’arrive pas à d’viner où qu’elle va aller.
Ah, j’vois deux troquets, y’a l’choix. Ben non, y’en a qu’un. Où qu’c’est t’y qu’il est passé l’aut’ ?
Faut pas m’la faire à moi, y’en avait un deuxième. L’ont planqué, c’est ça ?
-    Où qu’c’est t’y qu’l’avez planqué, les mecs ?
Et pan ! Ça glisse encore !
-    Aie mes fesses !
Ça y’é, chuis encore l’cul dans l’caniveau, oh pi’ c’est mouillé. Ben comme ça, j’prends un bain… de siège. Ben oui, chuis assis, quoi ! Dans d’l’eau, pour sûr. C’est c’que j’dis, un bain d’siège. Ça m’gel les fesses ! Faut que j’me tire !
Ah, l’deuxième bistrot, l’est rev’nu, c’est pas trop tôt ! Ben, l’est encore parti. C’est quoi c’ t’histoire, un bistrot fantôme ? Jamais entendu parlé qu’y avait  des bistrots fantôme, moi ! I’ m’ font une blague ! Ouais, c’est ça, une blague.
-    J’vais m’fâcher les mecs ! Hein, ça suffit !

Allez, Totor, Totor, c’est ma pomme ! Allez Totor, un p’tit effort et tu t’en sors, t’es l’plus fort ! Chuis poète, moi ! Z’avez vu ça !
Pi Totor l’en a marre, Totor veut roupiller. Va pas êt’ contente Bobonne, chuis pas dans l’lit avec elle.
-    Eh la patronne, où qu’t’es ? Répond !
Ah, ben c’est ma porte, là ! Allez, pousse-toi qu’j’rentre ! Veut pas s’pousser. Tu t’ouvres ? Cochonnerie de porte !
-    M’en fous, j’dors là, cont’ c’te foutue porte, là ! J’ai p’ ête’ un peu trop bu c’ soir !

Et le lendemain matin, lorsque la concierge veut sortir les poubelles, que trouve t’elle ?  Le Victor en train de cuver.
-    M’dame Dudue, y’a vot’ mari, là, par terre, l’est pas beau à voir !
Et oui, la concierge, elle parle comme mon pauvre Totor, ce cochon qui se permet de rentrer chez lui saoul comme une barrique. Au réveil, ça va être sa fête, à celui-là.







Anne Kitline

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