samedi 23 juin 2012

Les lentilles


Je suis « miro », pas le peintre, non, je suis « miro », comme une taupe, bigleuse. Je porte des lunettes, des carreaux d’au moins un centimètre d’épaisseur, grosse monture marron-foncé… tu vois le look ? Pas franchement génial. Et même avec ces verres, ma vue est défaillante, alors, port de lentilles me dit mon « ophtalmo ».
-          Ah non, pas de lentilles, ça fait trop mal aux yeux !
-          Essayez quand même !
Et me voilà chez Dencott, LE spécialiste des lentilles de contact (à l’époque de la préhistoire des lentilles.)
Donc, premier essai. J’ai la plage dans les yeux, tout le sable de la plage, ça pique, ça gratte et je pleure, je pleure… ben non, pas toutes les larmes de mon corps, il faut qu’il en reste pour demain. Car, demain, je dois recommencer à les porter, je dirais plutôt à les supporter et ce durant trois bonnes heures au moins.

Six mois ont passés, on s’habitue à tout, même aux lentilles de contact. Je suis pour le contact, le contact en tout genre, mais le contact avec mes lentilles me semblait perdu, il ne fut que difficile, on ne peut plus difficile ! Bref, je les mets déjà, presque une journée, miracle !

Mais pour les poser sur mon œil et sur les deux yeux, il me faut… allez… plus d’une heure. La lentille placée sur mon doigt qui s’approche de mon œil façon « indien sur le sentier de la guerre », en catimini. Raté, l’œil se referme instinctivement et la lentille se barre dans le lavabo. Si vous ne savez pas, la lentille semi-rigide ou semi-souple, ça dépend de l’optimisme de l’utilisateur, est transparente et donc si vous voyez mal ou peu, la lentille est invisible. A tâtons, car j’ai les yeux au bout des doigts, je retrouve ce petit bout de plastique dur au fond du lavabo. Ouf ! Il n’a pas chu dans le trou !

Autre matin, mal réveillé, j’ouvre le flacon pour prendre ma lentille. Je la pose sur mon doigt pour mettre celui-ci dans l’œil. Oui, je ne vous ai pas dit, je me mets le doigt dans l’œil tous les jours, pouvez-vous en dire autant ?
-          Merde… je l’ai perdu ! (Dans ce cas là, je ne suis pas polie du tout.) Chéri, viens vite !
Et Chéri se lève en rechignant, il est six heure du « mat ».
-          Ma lentille est partie dans le siphon !
Et le pauvre Chéri démonte le siphon en rouspétant. Rien, il ne trouve rien, pas plus de lentille que de beurre en broche. Tiens, je suis côté alimentaire, beurre, broche, lentille, quel repas !
Mon cher mari remet le siphon en place après avoir cherché, lavé et rincé ce tuyau, tandis que je m’imagine déjà avec une seule lentille sur un seul œil. Pour y voir plus clair, c’est réussi !
Sitôt mon époux hors de la salle de bain, je constate que la dite lentille se trouve gentiment au fond de son flacon d’origine. Je ris sous cape, mon Chéri a fait tout ça pour des prunes, mais je ne suis pas idiote, j’ai rien dit, pas soufflé mot de ma trouvaille.

Autre jour, autre petit malheur. Je m’explique. L’œil me grattouille, me chatouille, alors, avec ma délicatesse légendaire, je frotte, et re-merde, je vous ai dit, je ne suis pas distinguée quand il s’agit de ce corps étranger dans l’œil. Cette lentille, s’est coincée dans le coin droit, en haut, vous voyez, lorsqu’on essaye de faire les yeux blancs, elle s’est nichée là-haut.
Panique… comment je fais pour la remettre sur l’iris ? Et en plus, ça fait mal.
-          Cochonnerie de truc à la « con » ! Chéri, viens m’aider, s’il te plaît !
Il lui plaît, mais il n’arrive à rien et la douleur augmente et j’ai peur de ne jamais pouvoir la récupérer.
Et puis, toute seule, comme une grande, cette fichue lentille réintègre sa place. Comment j’ai fait ? Mystère ! J’ai pas compris le mode d’emploi. Et si encore ça ne s’était produit qu’une seule fois, mais non, j’ai souvent récidivé. Ah les lentilles baladeuses, quelle joie ! Mais les lentilles sauteuses, c’est autrement perturbant.
Un jour de grand vent, « paf » je perds ma lentille dans la rue. Oui, le vent assèche l’œil et la lentille se décolle. Donc, mon verre de contact saute et tombe sur le bitume et Chéri et moi, à quatre pattes, fesses en l’air dans la rue piétonne, pour retrouver ce petit machin de même pas un centimètre de diamètre. On ne l’a pas retrouvée, bien sûr, et moi, par contre, je me retrouve borgne ou quasi borgne, je ne vois plus que d’un œil.
Et hop, chez l’ « oyoliste » pour commander une lentille. J’ai bien écrit l’ »oyoliste », oculiste, qu’ausculte t-il ? Bon, mauvaise blague à part, durant un voyage en Italie, pour quel motif, j’ai perdu celle de l’œil droit, mais j’avais une autre de secours, seulement c’est pour le gauche.
-          Bonjour Docteur, voilà, je viens vous voir, j’ai deux yeux gauches !
Le toubib m’a regardé comme si je venais d’une autre planète ou que j’étais complètement débile.
-          Ah, très chères lentilles, je vous adore malgré toutes les petites misères subies lors de votre port. Je vous adore car j’ai gagné un dixième de vue, alors je vous chéris, n’est ce pas Chéri !


Anne Kitline

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