Je suis « miro », pas
le peintre, non, je suis « miro », comme une taupe, bigleuse. Je
porte des lunettes, des carreaux d’au moins un centimètre d’épaisseur, grosse
monture marron-foncé… tu vois le look ? Pas franchement génial. Et même
avec ces verres, ma vue est défaillante, alors, port de lentilles me dit mon « ophtalmo ».
-
Ah non, pas de lentilles, ça fait trop mal aux
yeux !
-
Essayez quand même !
Et me voilà chez Dencott, LE
spécialiste des lentilles de contact (à l’époque de la préhistoire des lentilles.)
Donc, premier essai. J’ai la
plage dans les yeux, tout le sable de la plage, ça pique, ça gratte et je
pleure, je pleure… ben non, pas toutes les larmes de mon corps, il faut qu’il
en reste pour demain. Car, demain, je dois recommencer à les porter, je dirais
plutôt à les supporter et ce durant trois bonnes heures au moins.
Six mois ont passés, on s’habitue
à tout, même aux lentilles de contact. Je suis pour le contact, le contact en
tout genre, mais le contact avec mes lentilles me semblait perdu, il ne fut que
difficile, on ne peut plus difficile ! Bref, je les mets déjà, presque une
journée, miracle !
Mais pour les poser sur mon œil
et sur les deux yeux, il me faut… allez… plus d’une heure. La lentille placée
sur mon doigt qui s’approche de mon œil façon « indien sur le sentier de
la guerre », en catimini. Raté, l’œil se referme instinctivement et la
lentille se barre dans le lavabo. Si vous ne savez pas, la lentille semi-rigide
ou semi-souple, ça dépend de l’optimisme de l’utilisateur, est transparente et
donc si vous voyez mal ou peu, la lentille est invisible. A tâtons, car j’ai
les yeux au bout des doigts, je retrouve ce petit bout de plastique dur au fond
du lavabo. Ouf ! Il n’a pas chu dans le trou !
Autre matin, mal réveillé,
j’ouvre le flacon pour prendre ma lentille. Je la pose sur mon doigt pour
mettre celui-ci dans l’œil. Oui, je ne vous ai pas dit, je me mets le doigt
dans l’œil tous les jours, pouvez-vous en dire autant ?
-
Merde… je l’ai perdu ! (Dans ce cas là, je ne suis
pas polie du tout.) Chéri, viens vite !
Et Chéri se lève en rechignant,
il est six heure du « mat ».
-
Ma lentille est partie dans le siphon !
Et le pauvre Chéri démonte le
siphon en rouspétant. Rien, il ne trouve rien, pas plus de lentille que de
beurre en broche. Tiens, je suis côté alimentaire, beurre, broche, lentille,
quel repas !
Mon cher mari remet le siphon en
place après avoir cherché, lavé et rincé ce tuyau, tandis que je m’imagine déjà
avec une seule lentille sur un seul œil. Pour y voir plus clair, c’est
réussi !
Sitôt mon époux hors de la salle
de bain, je constate que la dite lentille se trouve gentiment au fond de son
flacon d’origine. Je ris sous cape, mon Chéri a fait tout ça pour des prunes,
mais je ne suis pas idiote, j’ai rien dit, pas soufflé mot de ma trouvaille.
Autre jour, autre petit malheur.
Je m’explique. L’œil me grattouille, me chatouille, alors, avec ma délicatesse
légendaire, je frotte, et re-merde, je vous ai dit, je ne suis pas distinguée
quand il s’agit de ce corps étranger dans l’œil. Cette lentille, s’est coincée
dans le coin droit, en haut, vous voyez, lorsqu’on essaye de faire les yeux
blancs, elle s’est nichée là-haut.
Panique… comment je fais pour la
remettre sur l’iris ? Et en plus, ça fait mal.
-
Cochonnerie de truc à la « con » ! Chéri,
viens m’aider, s’il te plaît !
Il lui plaît, mais il n’arrive à
rien et la douleur augmente et j’ai peur de ne jamais pouvoir la récupérer.
Et puis, toute seule, comme une
grande, cette fichue lentille réintègre sa place. Comment j’ai fait ?
Mystère ! J’ai pas compris le mode d’emploi. Et si encore ça ne s’était
produit qu’une seule fois, mais non, j’ai souvent récidivé. Ah les lentilles
baladeuses, quelle joie ! Mais les lentilles sauteuses, c’est autrement
perturbant.
Un jour de grand vent,
« paf » je perds ma lentille dans la rue. Oui, le vent assèche l’œil
et la lentille se décolle. Donc, mon verre de contact saute et tombe sur le
bitume et Chéri et moi, à quatre pattes, fesses en l’air dans la rue piétonne,
pour retrouver ce petit machin de même pas un centimètre de diamètre. On ne l’a
pas retrouvée, bien sûr, et moi, par contre, je me retrouve borgne ou quasi
borgne, je ne vois plus que d’un œil.
Et hop, chez
l’ « oyoliste » pour commander une lentille. J’ai bien écrit
l’ »oyoliste », oculiste, qu’ausculte t-il ? Bon, mauvaise
blague à part, durant un voyage en Italie, pour quel motif, j’ai perdu celle de
l’œil droit, mais j’avais une autre de secours, seulement c’est pour le gauche.
-
Bonjour Docteur, voilà, je viens vous voir, j’ai deux
yeux gauches !
Le toubib m’a regardé comme si je
venais d’une autre planète ou que j’étais complètement débile.
-
Ah, très chères lentilles, je vous adore malgré toutes
les petites misères subies lors de votre port. Je vous adore car j’ai gagné un
dixième de vue, alors je vous chéris, n’est ce pas Chéri !
Anne Kitline
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